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Anaïs LEGER-SMITH
Ingénieure-paysagiste, maître de conférences associée en ville et territoires, membre du LRA
École nationale supérieure d’architecture de Toulouse
Les systèmes territoriaux et paysagers support du développement métropolitain
Penser le territoire par l’existant
À la manière d’un palimpseste, notre milieu de vie se développe selon une accumulation de traces qui cohabitent sur le territoire. Depuis une vingtaine d’années, les territoires se pensent dans le respect de l’existant, en puisant dans la mémoire du lieu, en s’élaborant sur les formes géographiques et les structures déjà en place. Dans un contexte de métropolisation, les continuités paysagères et infrastructurelles préexistantes deviennent des sites potentiels d’infrastructures vertes. Cette terminologie provient de l’anglais « Green Infrastructure » et désigne « un réseau constitué de zones naturelles faisant l’objet d’une planification stratégique ». Cet article cible un exemple britannique qui combine mobilités actives, continuités écologiques et espaces publics avec des projets habitants. Inversant un mécanisme de planification top-down, les citoyens sont directement impliqués dans la mise en place de ces espaces en réseau. Deux paramètres sont mis en avant : la connectivité et la multifonctionnalité.
Les principes de l’infrastructure verte
Le concept opératoire d’infrastructure verte articule écologie et qualité urbaine. Considérée comme le mécanisme d’intégration des services éco-systémiques dans les zones urbaines, l’infrastructure verte active dès le départ cette synergie entre le « gris et le vert ». Ces services, ou bénéfices, permettent de rattacher des valeurs aux espaces qui en émergent, par exemple la protection de la biodiversité par des techniques de renaturation, une gestion raisonnée de l’eau par un drainage sur site, le recyclage des déchets verts, l’utilisation de matériaux locaux, mais aussi des espaces publics inclusifs d’envergure métropolitaine ou des pistes cyclables partagées avec les piétons. Leurs périmètres ne correspondant pas aux limites administratives, ces infrastructures activent de ce fait une gouvernance partagée, la mise en réseau de projets, l’échange de bonnes pratiques et l’expérimentation.
Le Malago Greenway à Bristol : le paysage de la Green Infrastructure en projet
Au cours des dix dernières années, plusieurs collectivités britanniques ont mis en place des documents de planification par l’infrastructure verte. C’est le cas de la West of England Green Infrastructure Strategy, publiée en 2011, qui regroupe quatre collectivités autour de Bristol. Le document affiche leurs ambitions spatiales communes reflétant les synergies entre infrastructures de mobilités et espaces ouverts. La même année, est publié à l’échelle de la ville de Bristol un plan infrastructure verte s’articulant à l’échelle subrégionale par des corridors privilégiés.
Ces plans stratégiques permettent de donner les grandes directions afin d’activer toute une série d’initiatives publiques et citoyennes.
Deux exemples accompagnés par la Ville : des pistes partagées cycles-piétons et un programme de soutien aux projets habitants
En 2015, Bristol obtient le titre d’European Green Capital et, par la même occasion, un financement national d’envergure, déterminant pour révéler et connecter les initiatives citoyennes bottom-up historiquement présentes dans la ville par l’infrastructure verte. Cela permet la mise en place de greenways, pistes partagées piétons-cyclistes, le long de corridors identifiés. Sustrans, l’organisation en charge du réseau national cyclable britannique, implique ses paysagistes et urbanistes pour établir une démarche de co-conception aves les habitants, notamment pour les espaces publics partagés le long de ces pistes. Pour le Malago Greenway, des propositions sont élaborées lors d’événements participatifs conduits dans l’espace public.
Des dilatations de la piste donnent lieu à des espaces publics et paysagers inclusifs, tenant compte des conflits d’usage et permettant l’accès à tous. Il s’agit de penser des surfaces partagées entre piétons et cyclistes et des points de croisements avec la circulation, en créant un environnement visuel favorable aux mobilités actives par des revêtements colorés, des éléments verticaux, une présence forte du végétal, des plateaux piétons surélevés, l’éclairage.
Tout le long du parcours, le Malago Greenway a activé plusieurs appropriations citoyennes autour de l’écologie et de l’agriculture urbaine. Dans le parc Marksbury Road, le lit du cours d’eau a été nettoyé et renaturé par la Ville, alors que quelques mètres plus loin, le jardin partagé Berry Maze a été mis en place par un groupe de volontaires.
Dans le même temps, plusieurs projets habitants sont financés à Bristol. Le programme Street Pockets transforme les places de parking en espaces publics temporaires dans des rues résidentielles, avec l’appui des habitants et de l’organisation Sustrans.
L’infrastructure verte, image et gouvernance partagée
Plus qu’un outil de planification, l’infrastructure verte à Bristol donne un cadre stratégique et constitue un vecteur d’activation pour des projets citoyens en s’appuyant sur les corridors écologiques et paysagers préexistants. Les espaces publics ouverts qui en émergent, temporaires ou pérennes, sont rendus accessibles par les pistes partagées qui sillonnent la ville. Cette nouvelle manière de faire le territoire s’appuie sur des outils de gouvernance partagée entre collectivité et habitants, à une échelle qui transcende les limites administratives. Elle renforce l’image paysagère de la ville autour du titre de Capitale verte européenne 2015.
Crédits : © Crown - © J. Turp, - © A. Leger-Smith - © Berry Maze Charity