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Cristina Garcez,
Architecte, urbaniste de l’État en Chef, Directrice de la prospective et des projets Établissement Public Foncier Languedoc-Roussillon
Importance des populations vivant « en ville » ; risque que les effets négatifs prennent le pas sur les réels atouts et avantages qu’offrent les secteurs urbains ; pertinence ‒ au niveau mondial ‒ d’une échelle d’intervention régionale en bonne association des territoires urbains ; trois réalités qui plaident pour que le fait urbain ‒ métropolitain ‒ se pose comme un avantage pour relever les défis environnementaux.
1 La gestion des zones urbaines, défi majeur du XXIe siècle
Le fait urbain est une réalité, 54 % de la population mondiale vit dans des zones urbaines aujourd’hui. Cette proportion était de 34 % en 1960 et devrait passer à 66 % en 2050. Selon les projections de l’ONU, l’effet combiné des croissances urbaines et démographiques contribuera à une augmentation de 2,5 milliards de personnes supplémentaires dans les villes.
La majorité des citadins se concentre dans de vastes ensembles urbains, notamment dans les zones littorales, territoires par nature sensibles et surexposés aux risques naturels. Dans ces ensembles urbains, les conditions d’habitat y sont parfois très précaires.
Cette croissance ne s’est pas que manifestée par une plus forte densité de population dans les zones urbaines existantes, mais aussi par l’extension de leurs périmètres. En 1950 la superficie des zones urbaines représentait 100 000 km2, en 2010 elle est presque sept fois plus grande et couvre 680 000 km2 du territoire. L’urbanisation concerne 82 % de la population en Amérique du Nord, 80 % en Amérique du Sud et 73 % en Europe (80 % en France métropolitaine). En Afrique et en Asie, la majorité des habitants vivent encore en zone rurale, mais les taux de croissance pour la population urbaine y sont les plus élevés au monde.
La conjugaison de ces phénomènes, leur importance au niveau mondial, montrent que la gestion des zones urbaines est l’un des défis majeurs du XXIe siècle.
2 Métropoles attractives, métropoles vulnérables… métropoles vivables ?
Les modèles actuels de développement sont interrogés, car les signes de déséquilibre du système sont inquiétants. Certains effets négatifs comme la congestion, la pollution de l’air et de l’eau, l’insécurité et la destruction des écosystèmes peuvent atteindre un niveau tel que les grandes zones urbaines perdent en attractivité (OCDE, 2006). Outre la forte empreinte écologique, l’augmentation des risques par les dérèglements climatiques montrent aussi que ces territoires sont très vulnérables.
En même temps les zones urbaines concentrent un grand nombre d’atouts, des opportunités d’emploi, un meilleur accès à l’éducation, aux services de santé, à la culture, etc. C’est un progrès pour ce qui concerne les aspirations fondamentales de chacun vers une meilleure qualité de vie. Mais si les effets négatifs dépassent les atouts, les conséquences sont contraires aux avantages recherchés, notamment sur la santé. En effet, les villes produisent 71 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie et devraient produire 76 % d’ici 2030 (AIE 2008).
La forme du développement urbain est aussi interrogée. Dans les zones à faible densité de population, le niveau d’émission de gaz à effet de serre (GES) est bien plus élevé. Plus la densité urbaine et la densité de population sont faibles, plus la consommation d’énergie et la pollution sont importantes. La ville compacte a donc des effets positifs sur l’économie d’énergie et la qualité de l’air.
Viabilité environnementale et modes de développement sont interdépendants et ont des impacts sur l’attractivité. Ce qui fera la différence entre les territoires urbains, c’est leur qualité de vie et la capacité de tous les acteurs à réconcilier les habitants avec l’environnement dont dépendent leur subsistance, leur développement économique, social et leur santé.
3 Relever les défis environnementaux dans une alliance bien pensée entre territoires urbains et régionaux
À quelle échelle relever ces défis ? C’est aux territoires urbains ‒ au premier rang desquels les métropoles ‒ dans une alliance objective avec leurs régions, d’apporter des réponses. Et c’est à l’échelle régionale et interrégionale que ces réponses seront efficaces. Les réseaux des villes et régions innovantes, ouvertes aux expériences créatives, montrent que c’est dans le dialogue et dans la coconstruction que le progrès peut se faire.
Les activités environnementales, tirant parti des qualités et des ressources locales, doivent être au cœur d’une économie plus innovante et créative. Les régions ont des identités et des profils différents. Leur développement économique, leur attractivité et leur compétitivité dépendent de l’exploitation intelligente de ces différences et de l’utilisation de ses spécificités… mais aussi d’alliances avec les territoires urbains où créativité et innovation (recherche, ingénierie, expérimentation…) se trouvent majoritairement.
Coopération, ouverture, complémentarité, innovation et prise en compte du fait métropolitain dans les politiques régionales sont les notions clés. Si ces notions sont déclinées dans les politiques publiques, fait urbain et fait métropolitain pourraient alors être un grand atout pour relever les défis de la transition environnementale.
Sources utilisées : Insee, ONU, OCDE, AIE.
Références bibliographiques :
- GE DDES P., Cidades em evoluçao, éditions Papirus, Sao Paulo 1994.
- MAGNAG HI A., La biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire, bien commun, éditions Eterotopia France, Paris 2014.
- VEGARA A. et DE LAS RIVAS J.L., Territorios Inteligentes, éditions Fundacion Metropoli, Madrid 2004.