Santé et urbanisme :
quels enjeux pour les métropoles ?

Santé et urbanisme :<br> quels enjeux pour les métropoles ?

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Florent BERAULT,
Chargé de projet et coordonnateur de la Plate-forme AAPRISS

Laura PARVU,
Doctorante-Chargée d’enseignement, membre du LASSP Sciences Po Toulouse

Mélanie VILLEVAL,
Ingénieure de recherche en Santé Publique, membre du LEASP — UMR 1027

La communauté scientifique a démontré que la qualité du cadre de vie influe sur la santé des populations. La question du bien-être en ville est aujourd’hui incontournable et interpelle les politiques urbaines à l’échelle internationale, mais aussi localement comme dans la métropole toulousaine.

Qu’est-ce qui détermine la santé des populations ?

La santé ne se réduit pas à des facteurs biologiques et médicaux. Il est important d’élargir la notion de santé au-delà d’une vision purement médicale. La communauté scientifique estime que le système de soins ne contribue que partiellement à l’état de santé global de la population, la part la plus importante étant liée aux facteurs environnementaux, sociaux et comportementaux. L’état de santé des citoyens est ainsi influencé par différents niveaux de déterminants allant des comportements individuels aux conditions de vie et de travail, en passant par l’influence sociale et collective.

Liens entre ville et santé (d’après Whitehead et Dahlgren, Les liens entre ville et santé, Bruyez, 2014).

La politique de l’habitat est un des meilleurs exemples des liens existants entre aménagement du territoire et état de santé des citoyens. En effet, si un logement est avant tout source de sécurité physique (protection contre le froid, la chaleur, l’humidité, etc.), il est aussi à la fois le reflet du statut social ainsi qu’une source de sécurité sociale, en lien avec la santé mentale.

Des études ont montré que les coûts de la rénovation urbaine étaient largement compensés par les économies réalisées principalement dans l’utilisation des services de santé 1. Ce confort résidentiel comprend aussi la qualité acoustique des logements (protection contre le bruit de la circulation, du survol aérien, les nuisances de l’espace public). Une étude danoise 2 démontre ainsi que le risque d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) chez les personnes de plus de 65 ans augmente en fonction de l’exposition résidentielle au bruit de la circulation routière. À l’échelle d’une métropole, l’exposition à des facteurs de risques est différente selon le statut socioéconomique des populations résidentes, les catégories les moins aisées cumulant les expositions et les facteurs de risques. Une étude de 2008 3 met en lumière le lien entre espaces verts et mortalité. Elle démontre que même si l’accessibilité facilitée aux espaces verts diminue la mortalité toutes classes sociales confondues, ce risque est toujours sensiblement plus élevé pour les catégories sociales les plus défavorisées.

Ces différents éléments montrent qu’aborder la santé uniquement à travers le paradigme médical (programme nutritionnel, dépistage des cancers, etc.) ne suffit plus. Il est temps d’élargir la réflexion, de sortir des silos conventionnels de la santé pour que des acteurs jusqu’alors extérieurs puissent agir directement ou indirectement sur la santé des populations, notamment en milieu urbain.

Renforcer les liens entre santé et urbanisme

En 2013, la déclaration d’Helsinki promouvant l’intégration de la « santé dans toutes les politiques » souligne l’importance de développer l’intersectorialité et la gouvernance en matière de santé 4. Même si des efforts sont à faire pour une prise en compte plus systématique des effets des politiques publiques sur la santé, la promotion de la « santé dans toutes les politiques » évolue aujourd’hui d’un « idéal » vers la définition de stratégies plus concrètes 5. L’un des moyens pour mettre en œuvre des politiques publiques plus favorables à la santé est la démarche d’Évaluation d’Impact sur la Santé (EIS) 6. Celle-ci permet de prendre en considération les impacts des politiques d’urbanisme sur la santé et les Inégalités Sociales de Santé (ISS) en associant décideurs politiques, acteurs de la santé publique, experts de différents domaines, mais aussi citoyens. Penser « la ville de demain », « le bien-être dans la ville » est ainsi devenu une préoccupation majeure dans l’ensemble des domaines d’intervention. À l’échelle des métropoles, la recherche constante du bien-être des citoyens, à travers une ville plus équilibrée et intégrant l’ensemble des fonctionnalités urbaines, se fait jour. S’ouvrent ainsi de nombreuses perspectives pour la prise en compte de la santé dans les politiques publiques locales. Le renforcement des liens entre enjeux de santé et urbanisme trouve aujourd’hui un écho favorable, mais reste encore une démarche innovante, tant l’acculturation et la mutualisation des compétences en sont au stade des balbutiements.

La démarche d’EIS est expérimentée par Toulouse Métropole, l’aua/T et l’IFERISS qui collaborent pour introduire une approche santé dans le futur Plan Local d’Urbanisme intercommunal — Habitat (PLUi-H). Il s’agit notamment d’apprécier les impacts potentiels des Orientations d’Aménagement et de Programmation sur la santé des habitants. Le réseau Ville Santé OMS, dont Toulouse Métropole fait partie, œuvre également dans ce sens et permet un rapprochement entre la santé et l’aménagement du territoire.

 

1. LARIMER M.E., MA LONE D.K., GARNER M.D. et al., Health care and public service use and cost before and after provision of housing for chronically homeless persons with severe alcohol problems, JAMA, 2009, 301(13):1349-1357.
2. SORENSEN M., HVI DBERG M. et ANDERSEN Z.J., Road traffic noise and stroke: a prospective cohort study, Euro Heart, 2001, lien vers le document.
3. MITCHELL R. et POPHAM F., « E ffect of exposure to natural environment on health inequalities : an observational population study », Lancet, vol. 372, n° 9650, 2008, p. 1655-1660.
4. ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, Ce qu’il faut savoir sur la santé dans toutes les politiques. Déclaration d’Helsinki sur la santé dans toutes les politiques, 2014, lien vers la publication .
5. CLAVIER C. et DE LEEUW E., « Framing Public Policy in Health Promotion: Ubiquitous, yet Elusive », Health Promotion and the Policy Process, editions Carole C. et De Leeuw E., Oxford University Press, 2013, p. 1-22.
6. Consensus de Göteborg, 1999. Étude de l’impact sur la santé. Principaux concepts et méthode proposée (traduction Centre collaborateur de l’OMS en 2005), lien vers la publication

photos © Ville de Toulouse © Toulouse Métropole

Contenu additionnel :

 

 

 

  • Parvu Laura, doctorante en sciences politique, LaSSP-Sciences Po Toulouse / IFERISS. Villeval Mélanie, docteure en santé publique, LEASP-IFERISS “Evaluation d’Impact sur la Santé (EIS)”, Module 10 de la formation interdisciplinaire Enjeux de Santé Publique organisé par Sciences Po Toulouse et l’IFERISS, 2017.
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Plus général et pour aller plus loin :

 

  • Villeval, Mélanie, et Elsa Bidault. « L’évaluation d’impact sur la santé et sur les inégalités sociales de santé ». In Réduire les inégalités sociales de santé. Une approche interdisciplinaire de l’évaluation. Santé Société 01. Toulouse: Presses Universitaires du Midi, 2018. pp.57-67.

 

  • Valentini Hélène, Saint-Pierre Louise, « L’évaluation d’impact de la santé, une démarche structurée pour instaurer de la santé dans toutes les politiques », Santé Publique, 2012/6 (Vol. 24), p. 479-482. DOI : 10.3917/spub.126.0479.

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