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Warda ASSANELLI
Chargée De Projet PLU Et Projets Urbains
aua/T
Thierry CHAUMIER
Responsable Urbanisme Réglementaire
aua/T
Un regard que propose l’aua/T qui intervient à différentes échelles et temporalités des politiques urbaines. Elle apporte en effet son appui technique aux collectivités dans l’élaboration des politiques urbaines, SCoT, PLUi, politiques sectorielles de l’habitat (PLH), de déplacement (PDU)... Elle participe aussi à la définition des projets urbains, projets de quartier, paysages et espaces publics. Elle accompagne enfin les particuliers qui ont un projet de construction, lors d’assistances architecturales et urbaines qu’elle assure en commune. Autant de missions qui ont à voir, directement ou de manière moins connue, avec l’attribution d’une autorisation de construire...
Un processus de projet complexe
L e porteur d’un projet de construction doit faire une demande de permis de construire, devenant ainsi un « pétitionnaire » aux yeux de l’administration en charge d’examiner sa requête. Cet acte consiste à établir un dossier technique décrivant le projet, accompagné d’un formulaire administratif, le fameux « Cerfa », qui sera ensuite instruit par les services compétents. Mais, si ce formalisme juridico-administratif est connu, d’aucuns sont loin d’imaginer l’ensemble du processus qui permet à la collectivité de délivrer in fine l’autorisation de construire : derrière les critères d’examen du dossier se trouvent rien de moins que le projet d’aménagement, les exigences de la collectivité et ses choix urbains.
Le permis de construire ne doit donc pas être considéré comme une simple autorisation administrative. Il s’intègre dans une politique urbaine globale aux multiples enjeux, dans un processus où plusieurs échelles territoriales s’enchevêtrent et inter-agissent : depuis les orientations portées par les grandes politiques publiques et d’aménagement (planification, habitat, mobilité, environnement…), en passant par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) – document d’urbanisme qui traduit le projet de territoire et le décline réglementairement –, jusqu’au projet urbain à l’échelle du secteur, du quartier ou de l’îlot.
La délivrance d’un PC n’est donc que l’ultime maillon d’une longue chaîne qui mobilise, aux côtés des collectivités – communes et intercommunalités –, de nombreux niveaux de réflexion, d’expertises et de conseils.
Du dessein au dessin
Le PLU – et plus encore le PLUi – est la pierre angulaire et le document de référence. Il définit un cadre de cohérence pour l’aménagement de l’espace, en lien avec l’ensemble des politiques publiques. Bien en amont de la règle, et en quelque sorte « à son service », il pose des clefs de lecture des dynamiques du territoire, intégrant une somme considérable d’éléments de contexte et d’enjeux (accueil de population et d’emplois, mobilité, mixité urbaine, protection des espaces sensibles…).
Il va permettre à la collectivité d’opérer ses choix de développement et d’énoncer les orientations d’aménagement. Une vision politique et technique du devenir du territoire portée dans le projet d’aménagement et de développement durables (PADD) et dans les orientations d’aménagement et de programmation (OAP).
Le PLUi définit sur cette base les règles d’occupation et d’utilisation du sol, détermine les zones où l’on peut construire (et celles que l’on souhaite protéger) et les caractéristiques possibles de la construction : principes d’implantation, typologie, emprise au sol, hauteur, expression architecturale…
D’autres réflexions viennent aussi nourrir le projet d’aménagement des collectivités, conduites parallèlement au PLU sous forme d’expertises et de projets urbains (centralité, quartiers en restructuration…).
C’est sur la base de l’ensemble de ces dispositions que les possibilités de mener à bien le projet de construction vont être déterminées, sans que le particulier ait toujours conscience que les éléments réglementaires ou de projet portés à sa connaissance constituent une partie immergée de l’iceberg : des réflexions en « amont » auxquelles il a d’ailleurs pu apporter sa propre contribution en participant à l’une ou l’autre des démarches de concertation et de co-construction, de plus en plus souvent proposées à l’échelle du territoire communal, d’un secteur, d’un projet…
Une étape préalable de mise en cohérence
La demande de permis de construire doit se nourrir des éléments ainsi posés par la collectivité. C’est l’objet de l’instruction préalable qui peut prendre différentes formes (assistance architecturale et urbaine…).
Cette phase pré-opérationnelle permet d’établir des passerelles entre le porteur d’un projet et les ambitions des collectivités publiques. Elle est essentielle pour définir les invariants du projet et ainsi mieux en « tenir » les fondamentaux, tout en accompagnant les adaptations nécessaires à sa faisabilité. Dans un contexte où les acteurs privés sont de plus en plus impliqués dans la mise en œuvre des projets urbains des collectivités, cette phase prend une place stratégique en tant qu’outil de dialogue, de médiation et d’interface entre les opérateurs et les élus.
L’instruction, partie émergée de la demande…
Une dernière étape d’instruction des PC, plus « administrative », associe différents partenaires et services techniques. Après son dépôt en mairie, les services instructeurs de la commune ou de l’EPCI analysent, vérifient, contrôlent… que la demande formulée est bien conforme à la règle d’urbanisme posée par le PLUi, et répond également aux différentes exigences des législations en vigueur (habitat, environnement, risques…). Le dossier est aussi transmis pour avis et contrôle à différents services extérieurs à la collectivité (services de l’État, architecte des bâtiments de France…), qui peuvent conduire à un accord, à un refus ou à un ajustement de la demande.
Cette phase d’instruction conçue comme un examen technique au regard des documents réglementaires est de fait souvent un temps de négociation informel – peu confortable car non reconnu comme tel. Un entre-deux que les dernières évolutions législatives, davantage axées sur l’urbanisme de projet, invitent à intégrer dans le processus d’instruction. Pour les services instructeurs, cette évolution nécessite par ricochet un ancrage plus fort dans les valeurs définies par les acteurs du territoire au travers des cadres qu’ils ont posés (politiques publiques, projets et réflexions urbaines…).
Le développement d’un urbanisme de projet, tel qu’il se dessine, est une avancée : s’orienter ainsi vers une règle d’objectifs va requérir une approche plus souple et intuitive de la légalité de l’acte administratif. L’instructeur aura la lourde tâche de bâtir son avis à l’aune des cadres évoqués ci-dessus, et donc de s’acculturer, de se former au projet du territoire et à tous les enjeux qui en sont à l’origine ; sans quoi, l’instruction risquerait d’entrer dans une phase de turbulence interprétative.
Il s’agit donc d’une nouvelle approche de l’instruction où l’aua/T pourrait trouver sa place afin d’aider à appréhender l’histoire et le chemin complexe qu’a empruntés le projet de territoire, croisant diverses thématiques qui font la ville pour se traduire en règle. Des coulisses à la lumière, le permis de construire prendra alors un autre sens et une autre dimension…
Mais ce sera toujours au bout d’une longue route que notre « pétitionnaire » verra son formulaire lui revenir pour apporter une bonne – ou une mauvaise ! – nouvelle.
© aua/T