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Yann Cabrol,
Responsable Planification et Grands Territoires à l’aua/T
Le fait urbain est aujourd’hui l’élément majeur de la structuration des territoires. Les villes organisent dorénavant l’espace au-delà des limites de l’urbain tout en intensifiant les relations entre elles. C’est donc un regard renouvelé sur « la ville » qu’il convient de porter : les spécificités de cet espace que l’on dit métropolitain ne sont-elles pas à chercher autant dans les relations entre agglomérations que dans sa construction dans le temps ?
Traditionnellement, la ville rassemble en un même lieu différentes activités non liées à l’exploitation de la terre. Centre de décision, la ville assure des fonctions politiques, productives et commerciales. À ces fonctions s’ajoute une dynamique de flux : la ville est un centre d’échanges où convergent marchandises et migrations. Désormais majoritaires à l’échelle planétaire, les habitants des villes, qui y travaillent, qui y habitent, sont à l’origine de l’essentiel de la production, des échanges, de la consommation, de la diffusion culturelle et des connaissances. Ces citadins sont un élément fort de l’identité des villes, mais celles-ci se distinguent avant tout par les fonctions (fonctions stratégiques de création, d’innovation, de décision et de contrôle) et le pouvoir — notamment économique — qu’elles concentrent. Outre les activités du quotidien, elles réunissent ainsi une large gamme d’activités à forte valeur ajoutée (hautes technologies, services aux entreprises, éducation, santé, recherche) et accueillent les sièges sociaux de grands groupes.
Chaque ville appartient à un système urbain organisé qui suppose une coordination pour l’échange et la circulation des biens et de l’information, même si la forme de ces échanges a changé de nature au fil du temps. Ces interactions conduisent aujourd’hui les villes à se mesurer entre elles, au regard de leur taille, mais également des services et équipements offerts. Dans un jeu subtil entre alliance et confrontation avec les différentes institutions, les grandes métropoles s’affirment à ces différentes échelles, créant en conséquence des liens de complémentarité et d’interdépendance. Au final, ce sont ces relations, la mise en réseau d’un ensemble de villes — l’espace métropolitain — et la qualité des échanges (flux, maillage, poids des unités urbaines, homogénéité) qui sont les indicateurs de la réussite politique de la gouvernance locale.
Le fait métropolitain toulousain, une dynamique en cours
Le phénomène de métropolisation dans le grand bassin toulousain trouve son origine dans les années 1960, lorsque l’État décide de favoriser l’émergence de métropoles régionales afin de contrebalancer le développement galopant de la région parisienne. Identifiée comme une « métropole d’équilibre », Toulouse bénéficie alors de nombreuses délocalisations (aéronautique, spatial, écoles d’ingénieurs, Météo France…) qui joueront un rôle déterminant dans la structuration de son système productif et universitaire. Au début des années 1990, la notion de métropole est à nouveau explorée dans différentes études prospectives, et notamment « Les Chemins de 2010 Midi-Pyrénées en prospective », ou encore le projet d’agglomération Toulouse Métropole 2015, qui font apparaître le concept de « Région Métropole » pour définir le socle d’une « métropole multipolaire » susceptible de peser à l’international, tout en luttant contre les effets négatifs de cette métropolisation. En 2005, Toulouse est identifiée par la DATAR comme un « territoire de coopération métropolitaine », soit une agglomération en pleine croissance — démographique et économique — au cœur d’un système urbain en étoile avec les villes de son espace régional proche.
Plus récemment, en 2008, la Vision stratégique de l’InterSCoT propose l’aire métropolitaine comme échelle pertinente pour un développement durable de la métropole toulousaine. En 2009, la Région mentionne également cette échelle de projet dans son schéma d’aménagement du territoire. Enfin, en 2012, une étude comparative de la DATAR sur les systèmes urbains français fait clairement apparaître les dynamiques à l’œuvre dans l’aire métropolitaine de Toulouse. Celle-ci « tient » dorénavant la comparaison avec d’autres métropoles européennes. Depuis 2005, plusieurs dialogues entre les intercommunalités de la grande agglomération toulousaine ‒ les agglomérations de Montauban, Albi, Castres-Mazamet, Saint-Gaudens, Auch et plus récemment Carcassonne, Cahors et Rodez ‒ se sont engagés pour construire un espace métropolitain fort, solidaire et concourir à sa reconnaissance.
Ce long processus trouve aujourd’hui une première forme de reconnaissance à travers les lois NOTRe et MAPTAM qui non seulement renforcent la place des métropoles, mais permettent également, au travers des nouvelles compétences régionales, de placer le fait urbain au service d’une réelle équité territoriale que pourra traduire le futur Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Équilibre du Territoire (SRADDET).
On le voit, l’histoire du fait urbain s’écrit sans que l’on sache si c’est la mise en place d’une gouvernance propre qui définit l’espace métropolitain, ou si c’est la construction de cet espace par les hommes, les entreprises… qui appelle une organisation spécifique.