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Robert MARCONIS,
Professeur émérite, membre du LISST – CIEU Université Toulouse II – Jean Jaurès
Il y a 160 ans, le 22 avril 1857, deux trains partis de Bordeaux et de Cette (on l’écrira ainsi jusqu’en 1927), ayant chacun à leur bord l’un des deux frères Péreire, actionnaires de la Compagnie des chemins de fer du Midi, arrivent à Toulouse, où l’on fête l’événement, car il s’agit bien d’une révolution dans les échanges entre Atlantique et Méditerranée : la liaison par la nouvelle voie ferrée ne demande plus que dix heures pour les voyageurs et vingt-quatre heures pour les marchandises. C’était la seule voie majeure du réseau ferroviaire national qui n’avait pas son terminus dans la capitale.
Dans un Sud-Ouest à l’économie fragile, un tel investissement n’avait guère mobilisé les concessionnaires privés chargés de construire et d’exploiter les grandes lignes de chemin de fer définies par la loi de 1842. Et cela d’autant plus qu’ils redoutaient la concurrence du vieux canal du Midi (1681), qui avait une clientèle fidèle, auquel le canal latéral à la Garonne, alors en construction allait donner un nouveau débouché vers l’Atlantique, pour devenir effectivement le canal des Deux-Mers.
À Toulouse, la localisation de la gare ferroviaire ne fut pas étrangère aux conditions de la concurrence qui allait se développer entre les deux modes de transport. En choisissant le site Matabiau plutôt que la proximité des ports fluviaux (Saint-Étienne et Saint-Sauveur), la Compagnie du Midi souhaitait éviter les transferts de marchandises entre trains et péniches. Et la proximité du centre-ville constituait un atout décisif pour les voyageurs. Encore fallait-il assurer des liaisons commodes entre la gare et le centre historique. Un nouveau pont sur le canal et l’aménagement de la rue Bayard élargie devaient y pourvoir. En attendant leur réalisation fut utilisé un itinéraire empruntant le boulevard de la Gare (devenu Pierre — Sémard), tracé sur la rive droite du canal, le pont Riquet (1845), devant l’École vétérinaire de Marengo, terminée en 1835 (emplacement de la médiathèque José-Cabanis), puis, après la statue de Riquet, inaugurée en 1853, les allées Louis-Napoléon (aujourd’hui Jean-Jaurès). Pour répondre au mouvement des voyageurs induit par la gare, c’est par là que furent établies en 1863 les trois premières lignes de transports en commun de Toulouse, desservies par des omnibus à chevaux : à partir d’un même terminus devant « l’embarcadère du chemin de fer », elles desservaient la place du Capitole et, au-delà, les principaux quartiers de la ville.
Le chemin de fer supplanta rapidement les canaux. Face à l’accroissement du trafic, la gare fut reconstruite et agrandie au début du XXe siècle. Réaménagée en 1983, elle doit aujourd’hui faire face à un nouveau défi dans la perspective d’une nouvelle liaison à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse. Le projet TESO (Toulouse Euro Sud-Ouest) est organisé autour d’un nouveau nœud ferroviaire, associant grandes lignes et TER, et devenant Pôle d’échange multimodal, qui doit s’insérer dans un projet urbain plus ambitieux, celui d’un quartier nouveau, conçu comme une extension du centre-ville.
Photos © Flandrin – Ville de Toulouse, Archives municipales, FRAC31555 9Fi246 © Fonds Eugène Trutat, Museum de Toulouse, T207 © Studio Libeskind/Compagnie de Phalsbourg