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Hélène TOUCHE,
Chargée de Projet Urbain à l’aua/T
La notion de polarité de proximité est structurante dans les missions de l’aua/T, à chacune de ses échelles d’intervention : dans la conception des différents documents de planification (SCoT, PLUi) comme dans la programmation des réseaux de transports (PDU, Linéo, troisième ligne de métro…), mais aussi dans l’exercice du projet urbain (composante d’études urbaines à grande échelle ou sujet d’études dédiées).
D’une échelle à l’autre, d’une discipline à l’autre, on utilise différentes définitions ou méthodes d’analyse de la notion de polarité de proximité, en accord avec les finalités de chaque exercice. Sont alors convoquées, tantôt des analyses techniques, tantôt des représentations plus subjectives. On verra que, si la question de l’appropriation n’est traitée directement qu’à l’étape du projet urbain, les exercices à plus grande échelle s’attachent à en réunir les conditions fonctionnelles.
La planification territoriale : ACCUEILLIR
Le SCoT de l’agglomération toulousaine et le PLUi-H de la métropole analysent et planifient l’évolution du maillage de centralités sur le territoire, selon une lecture technique de la polarisation du tissu urbain : les critères appliqués sont la concentration d’équipements, commerces et services et leur rayonnement.
Dans ces exercices de planification, la notion de polarité de proximité est intimement liée à la stratégie de développement urbain : ces lieux représentent des points d’accueil privilégiés des nouveaux habitants, profitant d’un niveau de service à même de répondre à leurs besoins.
On retrouve ce même enjeu dans la programmation de Toulouse Aerospace Express (TAE, troisième ligne du métro toulousain). Le choix du positionnement des stations futures (à l’étude) relève de nombreux critères (efficacité de la desserte, capacité technique et foncière, coût…), parmi lesquels la stratégie urbaine tient une place importante. Sur cet aspect, l’objectif poursuivi est de desservir la « ville de demain » : ici encore, la centralité constitue le support privilégié d’accueil des nouvelles populations.
Dans ce cadre spécifique des études TAE, la notion se complexifie : elle comporte également une dimension de mixité des services (activité tout au long de la journée et de la semaine), ainsi que d’accessibilité directe pour l’habitant (facilité des parcours piétons notamment). Ainsi, le flux généré par une desserte lourde (et la nécessité d’optimiser sa fréquentation) constitue un facteur de polarisation de la ville, qu’il conforte une centralité existante ou qu’il concourt à en créer une nouvelle.
Si les conceptions de la polarité de proximité à l’œuvre au niveau territorial (SCoT, PLUi-H, TAE) s’attachent aux fonctions, c’est à l’échelle du projet urbain qu’entrent en jeu les questions d’appropriation et la dimension subjective, affective de la polarité de proximité.
Le projet urbain et sa concertation : S’APPROPRIER
De nombreuses démarches dédiées aux centralités se développent dans l’aire toulousaine, dans un mouvement croissant de prise en compte de cette « figure urbaine ». La ville de Toulouse mène un programme « cœurs de quartiers » traitant de commercialité et d’aménagement urbain. En parallèle, de nombreuses autres communes conduisent une réflexion sur leurs centres-ville, qui à l’échelle de l’agglomération constituent des polarités de proximité.
Il s’agit pour les communes d’affirmer ou réaffirmer leur identité propre par un projet d’aménagement, et d’organiser les fonctionnalités afin d’ancrer les pratiques quotidiennes des habitants. L’enjeu est de réunir ou de renforcer les conditions de l’appropriation de l’échelle communale, pour des usagers dont les pratiques sont largement métropolitaines. Ces démarches répondent à la vision des élus locaux autant qu’aux aspirations des habitants, comme en témoignent le niveau de participation et le contenu des concertations menées à L’Union et Cugnaux notamment. En effet, on constate une demande grandissante d’espaces de centralité appropriables, que l’on peut attribuer à une réaction au mouvement d’étalement urbain et de diffusion de l’habitat pavillonnaire. Le centre de la commune, son identité urbaine et architecturale, son « charme » et son niveau d’animation peuvent aujourd’hui constituer un important critère de choix résidentiel.
Dans le cadre du projet urbain, la notion de polarité de proximité combine deux aspects :
- D’une part, elle induit un critère de mixité et de concentration des usages (périmètre de la pratique piétonne) qui permet d’en faire un lieu de rencontre, fédérateur de tous les publics. Entrent en jeu les notions d’animation et de convivialité, souvent évoquées en concertation, et objets de fortes attentes. On constate également une appétence croissante pour les espaces verts, devenus un support essentiel des usages partagés.
- D’autre part, elle fait appel à une dimension symbolique : être compatible avec la représentation, l’image archétypale d’une polarité de proximité, à fortiori d’un centre de petite commune. On convoque alors l’image d’une place réunissant l’église et la mairie, voire un marché de plein vent. Cette dimension symbolique est renforcée lorsqu’elle s’appuie sur du bâti patrimonial, facteur d’appropriation important, et objet de nombreuses demandes de préservation et de mise en valeur par les habitants. Il ne s’agit donc plus seulement de fonctionnalités regroupées dans un espace de proximité, mais également de l’espace public qui les relie, des aménités et des usages qu’il propose. C’est lui qui sera support d’appropriation et de représentations symboliques par les habitants et usagers.
Les conditions de l’appropriation
Si l’ensemble des démarches, de la planification au projet urbain, concourent au même objectif, on peut cependant remarquer un fréquent décalage entre l’application de la notion de polarité d’un exercice à l’autre. La polarisation objective des fonctions diffère des centralités ressenties. De plus, d’un habitant à l’autre, selon ses pratiques, sa situation professionnelle et familiale, la perception des lieux « faisant centralité » pourra évoluer. Comment passer d’une polarisation des fonctions à une centralité vécue par le plus grand nombre ?
Il s’agit là d’une problématique multifactorielle, que chacun des métiers de l’aua/T peut concourir à éclairer dans sa spécialité : entrent en jeu par exemple la visibilité de la polarité, sa position sur un flux de transit, la programmation commerciale, les typologies de logements alentour, la desserte en transports en commun, la politique d’animation scolaire et culturelle de la commune… mais aussi sa forme urbaine reconnaissable, son écriture architecturale et sa mise en scène urbaine.
En parallèle de ces analyses techniques fondatrices, l’association des habitants, usagers et acteurs locaux est aujourd’hui déterminante pour réunir les conditions d’une appropriation large. Il s’agit de cerner les pratiques quotidiennes et de recueillir les attentes, afin de répondre finement à chaque situation spécifique.
Ces processus de concertation peuvent être appliqués aux centralités existantes comme aux extensions urbaines, à condition de prévoir dans les aménagements des marges d’évolution. Elles permettent, avec du recul, d’adapter la structure de l’espace comme l’offre de service aux besoins et pratiques réels constatés.
Acronymes :
- PDU : Plan de Déplacements Urbains
- PLUi-H : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal — Habitat
- SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale
- TAE : Toulouse Aerospace Express