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Florence MIZZI,
Responsable Prospective Et Futurs Urbains à l’aua/T
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’occitan a été la langue partagée par tout le tiers sud de la France. Langue d’usage du peuple, elle fut utilisée plus discrètement par les élites à partir du XVIe siècle ‒ quand l’État central s’affirme ‒ tout en gardant sa vitalité littéraire. La scolarisation massive des enfants dans les écoles de la République française fera peu à peu décliner sa transmission familiale et son usage jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Calandretas
Or aujourd’hui, au début du XXIe siècle, plus de 800 jeunes toulousains parlent cette langue avec (presque) autant de facilité que le français ! Ces enfants sont les élèves de l’une des dix écoles maternelles et élémentaires qui offrent un enseignement pour partie en occitan sur le grand territoire toulousain. Six sont associatives ‒ les calandretas 1 ‒ et proposent un enseignement en immersion. Quatre sont des écoles publiques où la scolarité se fait à parité en français et en occitan ‒ seule la langue occitane bénéficie de cet enseignement à parité sur l’académie.
Pour quelles raisons ces élèves et leurs familles ‒ comme bien d’autres dans tout le Grand Sud de la France ‒ choisissent-ils d’apprendre cette langue dont la pratique sociale a fortement reculé durant plusieurs décennies ? Olivier Lamarque, conseiller pédagogique d’occitan à l’Inspection d’Académie de la Haute-Garonne, apporte quelques éléments d’analyse. Il y a la motivation de familles récemment arrivées en terre occitane qui souhaitent donner à leurs enfants une attache locale, une ouverture à la culture de leur nouveau lieu de résidence ‒ une manière de s’ancrer familialement dans un espace régional qui leur est « étranger ».
Il y a aussi celle de « locaux », de parents d’élèves qui ont encore des grands-parents, des proches qui parlent le « patois » ‒ ou qui en gardent le souvenir. Leur souhait est de prolonger cette histoire familiale.
Ancrage local et motivations familiales
Au-delà de ces motivations propres à l’occitan, d’autres « bonnes raisons » expliquent aussi le choix des familles. Il y a la volonté de faciliter la connaissance des langues vivantes par un apprentissage précoce d’une seconde langue. L’envie également d’apporter une ouverture culturelle jugée positive et propre à enrichir les enfants. Joue aussi la possibilité via l’occitan d’accéder à des classes de « bons élèves » ‒ puisqu’aptes à suivre un enseignement bilingue. L’inverse est aussi vrai, des parents ont une image plutôt négative de l’occitan et n’en voient pas l’intérêt pour l’avenir de leurs enfants. Enfin, en ce qui concerne les calandretas, l’attrait d’une pédagogie différente et d’un investissement associatif autour de l’école sont des facteurs de choix importants.
L’engouement pour l’occitan va bien au-delà. D’autres actions de sensibilisation sont développées par l’Inspection d’Académie de la Haute-Garonne et soutenues par un réseau associatif occitaniste assez actif 2. Ces actions sont souvent réalisées en partenariat avec la Mairie de Toulouse et d’autres collectivités territoriales. Les enseignants sont chaque année plus nombreux à s’y intéresser. En 2016/2017, les élèves de plus de 50 classes d’écoles toulousaines ont ainsi bénéficié de l’un des divers dispositifs d’éducation et de sensibilisation artistique et culturelle proposés par la Ville en ce domaine.
Une diffusion de l’occitan aux multiples facettes qui témoigne ainsi d’une reconnaissance de cette langue pluricentenaire comme marqueur identitaire du territoire métropolitain toulousain.
2. Centre régional des enseignants d’occitan 31, Centre occitan des musiques et danses traditionnelles, Les ateliers du monde, D’arts et d’oc…