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Delphine Chouillou
Ingénieur en thermique du bâtiment Docteur en géographie, Maître de conférences
École nationale supérieure d’architecture de Montpellier, antenne de La Réunion
Quand la recherche académique conçoit des outils pour la qualité environnementale urbaine
Ces dernières années, le recours à un nouveau mode de financement s’est développé dans la recherche française. L’appel à projets a radicalement bouleversé la production scientifique. D’une approche fondamentale sur le long terme, la recherche adopte aujourd’hui une logique proche de la « recherche-action » en constituant une équipe de chercheurs propre au projet pour produire des résultats à plus court terme. Les projets financés par des organismes publics, semi-publics ou privés, prévoient de valoriser leurs résultats à travers la conception d’outils opérationnels à l’intention des acteurs de la société civile.
C’est ainsi que le projet scientifique EUREQUA 1 a développé un outil d’aide à la décision visant à améliorer la qualité environnementale urbaine. EUREQUA a mobilisé pendant 5 ans (2012-2017) des chercheurs issus de différentes sphères académiques : physiciens, acousticiens, géographes, architectes, etc. ont étudié la qualité environnementale urbaine de quartiers se situant à Toulouse, Marseille et Paris. Cette recherche a porté simultanément sur certains éléments physiques de l’environnement urbain – qualité de l’air, acoustique et thermique – et sur le recueil des perceptions et représentations sociales plus subjectives auprès des habitants de ces quartiers.
L’originalité de ce projet repose ainsi sur la simultanéité des analyses entre sciences techniques et sciences humaines et sociales : lors de parcours réalisés avec les habitants du quartier, leurs ressentis ont été recueillis à travers un questionnaire, en même temps que des mesures physiques étaient réalisées.
Une attention particulière a aussi été portée au caractère opérationnel de l’outil ainsi préfiguré, co-construit avec des urbanistes issus de collectivités locales et de l’agence d’urbanisme, afin qu’il soit adapté aux pratiques professionnelles.
Cette originalité a été transposée à l’outil d’aide à la décision qui a été développé à l’intention des concepteurs de l’urbain : un parcours commenté et instrumenté dont l’objectif est de mieux identifier les problématiques par une approche de diagnostic partagé entre experts et usagers.
Cependant, malgré l’effort entrepris, l’outil n’a toujours pas été utilisé dans un projet urbain. Cela témoigne de la difficile transposabilité des résultats scientifiques dans la sphère opérationnelle – une étape qui demande du temps. Pour faciliter le transfert de compétences entre chercheurs et acteurs opérationnels, une implication des acteurs de la société civile plus tôt dans le projet est une piste. Une autre serait que les appels à projet intègrent dans les financements alloués un budget pour l’accompagnement au déploiement des outils que produisent ces démarches particulières de recherche.