Zoom sur les bienfaits des modes doux 1/3

Zoom sur les bienfaits des modes doux 1/3

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Philippe DUGOT
Professeur des universités, membre du LISST-CIEU
Université Toulouse II Jean Jaurès

De la ville qui conduit à la ville qui marche et pédale à nouveau ?

 

Si le « système automobile » est dominant dans les villes, il s’inscrit de plus en plus dans un « mix » de mobilité renouvelée avec des transports en commun améliorés et une intégration des modes actifs1.

Cette évolution est le produit d’une prise de conscience écologique et de la fatigue croissante des urbains à l’égard de l’automobile du fait de ses externalités négatives. Le transport routier est l’un des responsables majeurs de l’émission de polluants atmosphériques : 57 % des oxydes d’azote (NOx) et 13 à 17 % des émissions de particules en France métropolitaine en 2017. Une étude2 montre que parmi les neuf principales villes françaises, dont Toulouse, aucune ne respecte les valeurs guides de l’OMS, tant pour les particules fines que pour l’ozone. Si les niveaux moyens annuels de particules fines étaient ramenés à 10ug/m3, cela permettrait un gain d’espérance de vie à 30 ans de 3,6 mois à Toulouse.

À l’inverse, les modes actifs qui semblaient être la marque d’un monde révolu ou du sous-développement reviennent, nimbés d’une nouvelle urbanité. Le vélo et la marche trouvent alors une place garantie par la prophylaxie qu’on leur prête. En empiétant sur la part modale de l’automobile, ils contribuent à en diminuer les effets néfastes. En remobilisant le corps, ils sont en outre adoubés par le monde médical. Selon l’OMS, l’utilisation régulière du vélo permet de diminuer de 10 à 28 % le risque de mortalité toutes causes confondues. La marche en permet une diminution de 10 à 22 %. Selon l’Inserm, la pratique de modes actifs joue positivement sur un large spectre d’affections : obésité, diabète de type 2, maladies cardio-vasculaires, voire certains cancers. C’est la sédentarité qui tue nos concitoyens et elle coûte cher : 880 millions d’euros chaque année3.

À tous les échelons territoriaux, vélo et marche apparaissent alors comme des compagnons de plus en plus indispensables à la gestion des mobilités. Les desseins législatifs se font plus précis et les injonctions règlementaires plus pressantes : la CJUE4 vient ainsi de condamner la France pour dépassements « systématiques et persistants » de la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le premier janvier 2010. Toulouse est concernée parmi 12 agglomérations5.

Mais ne peut-on pas pousser les bénéfices des modes actifs au-delà ? La marche ne permet-elle pas « au piéton d’être urbain et de faire la ville »6 ? En y associant la bicyclette, la marche n’est pas simplement bonne pour ceux qui la pratiquent, mais il en va aussi de la santé de ce qu’est ou devrait être la ville : un espace de vie sociale intense.

Cette thérapie est-elle partagée et applicable partout ? Il y a des héritages avec lesquels il faudra continuer à composer : une périurbanisation automobilisée et une « carchitecture » 7 qui dessinent des environnements urbains « obésogènes » décriés par Marie Demers8. Ne risque-t-on pas de voir des déserts de « marchabilité » ou de « cyclabilité » à côté d’espaces centraux apaisés mais gentrifiés ? Si front pionnier de l’action publique il y a, il doit être dans les périphéries. À défaut, les modes doux apparaîtront comme des marqueurs supplémentaires d’une ségrégation socio-spatiale et sanitaire.

Les modes doux pour la santé de tous ? Un outil d’amélioration du biotope urbain, mais auquel on ne peut demander de régler tous les problèmes de la ville.

 

  1. Modes de déplacement faisant appel à l’énergie musculaire : marche à pied, vélo, trottinette (non électrique), rollers… (ADEME, 2015).
  2. Improving Knowledge and Communication for Decision Making on Air Pollution and Health in Europe, Institut de veille sanitaire, septembre 2012.
  3. Ding D. et al., The Lancet, septembre 2016.
  4. Cour de justice de l’Union européenne.
  5. Condamnation du 24 octobre 2019.
  6. Thomas R., « La marche en ville. Une histoire de sens », L’Espace géographique, n° 1, 2007.
  7. Carchitecture : contraction de « car », voiture en anglais, et d’architecture : architecture dont les formes sont induites par l’automobile. Holtz Kay J., Asphalt Nation, NY, Crown, 1997.
  8. Obésogène : propice à l’obésité. Demers M., Pour une ville qui marche. Aménagement urbain et santé, Montréal, écosociété, 2008.

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