Un partenariat novateur pour un urbanisme favorable à la santé

Un partenariat novateur pour un urbanisme favorable à la santé

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Geneviève BRETAGNE
Responsable Transition Écologique
aua/T

Déterminée par des facteurs sociaux, environnementaux, économiques et politiques, la santé est désormais reconnue comme un véritable enjeu et motif d’aménagement du territoire. Pour autant, l’intégration des enjeux de santé et des inégalités sociales de santé (ISS) dans l’aménagement de la ville est encore peu courante, alors que ces inégalités sont particulièrement marquées en France. Un rapprochement apparaît nécessaire entre acteurs de l’urbanisme et de la santé, qui partagent un intérêt convergent pour le bien-être des habitants.

Article écrit en collaboration avec Thierry Lang, Jeanne Blanc-Février et Charlie Marquis de l’IFERISS

 

Un dialogue innovant entre l’aua/T et l’IFERISS

Le partenariat engagé entre l’agence d’urbanisme de Toulouse et l’Institut Fédératif de Recherches et d’Études Santé Société (IFERISS), fédération de recherche interuniversitaire dont l’objectif principal est de promouvoir ces sujets dans une approche transversale, illustre tout l’intérêt d’une collaboration « interdisciplinaire » entre urbanistes et chercheurs en santé publique.

Collaborant dès 2004 à l’occasion d’un séminaire prospectif en urbanisme sur les enjeux de santé publique, l’aua/T et l’IFERISS se sont saisis du contexte opérationnel offert par l’élaboration du PLUi-H de Toulouse Métropole (2015) pour faire émerger, avec la collectivité, une nouvelle approche de la santé. Celle-ci s’est appuyée sur l’expérimentation conjointe de la démarche d’Évaluation d’impact sur la santé (EIS) appliquée aux orientations d’aménagement et de programmation (OAP) inscrites dans le document d’urbanisme. Cette exploration a précédé l’engagement, en 2017, d’un projet de co-construction d’un outil destiné aux aménageurs de la ville, visant à questionner les opérations d’aménagement de l’agglomération toulousaine au regard des ISS, afin d’en réduire les impacts négatifs.

Cette recherche-action, ayant une finalité pragmatique, a été l’opportunité d’une meilleure connaissance mutuelle des enjeux, des pratiques et des cadres d’intervention respectifs entre l’aua/T et l’IFERISS. Elle a illustré la faisabilité d’un travail à la fois interdisciplinaire (santé et urbanisme) et intersectoriel (chercheurs et praticiens de l’urbain), qu’il convient désormais de poursuivre, en précisant l’outil co-produit, ou en ouvrant son application à d’autres champs de l’urbanisme (la planification par exemple).

 

Un outil opérationnel d’aide à la conception de projets urbains favorables à la santé

Ce partenariat s’est attaché à une production opérationnelle et, dans le même temps, innovante : un outil d’aide à la conception ciblant le repérage « santé et inégalités sociales de santé », destiné aux acteurs de l’aménagement urbain. Cette échelle et ce degré d’opérationnalité n’avaient été que peu explorés jusqu’alors.

Cet outil, expérimenté sur plusieurs projets urbains de la grande agglomération toulousaine, permet d’évaluer l’impact positif ou négatif d’un projet sur les déterminants de la santé. Il permet surtout d’appréhender si cet impact est équitable entre les populations qui partagent la ville (catégories socio-professionnelles, genre, générations).

Rapide d’utilisation (une heure environ), la mobilisation de l’outil peut aisément s’intégrer dans la temporalité des projets d’urbanisme comme dans le calendrier des services techniques. Elle offre l’opportunité d’un partage entre acteurs impliqués sur le projet urbain, dans le souci d’en améliorer les lignes de définition au regard de la santé et du bien-être des habitants.

Une vingtaine de questions permettent de quantifier et qualifier l’impact du projet d’aménagement urbain sur la santé de différentes populations ; la grille proposée ne demande pas de connaissance particulière en santé pour être manipulée et discutée.

 

« Quel impact le projet aura-t-il sur la manière dont les populations s’alimentent ? »

« Quel impact le projet aura-t-il sur la capacité des personnes à faire de l’activité physique ? Aura-t-il un impact plus spécifique sur les femmes ? les enfants ? les personnes à mobilité réduite ? »

 

Il s’agit d’un outil hybride, par son processus de construction (chercheurs en santé publique, aménageurs, urbanistes), mais également par son usage volontairement transdisciplinaire : urbanistes, environnementalistes, citoyens, élus… réunis à l’occasion des réunions de repérage. S’il ne remplace pas une démarche d’Évaluation d’impact sur la santé, il peut néanmoins s’intégrer plus facilement dans les pratiques quotidiennes des urbanistes pour concevoir des projets urbains prenant en compte les inégalités sociales de santé, identifier les leviers pertinents en faveur de la santé, guider les décideurs vers la réalisation d’une Évaluation d’impact sur la santé sur tel ou tel projet. Il constitue également un argumentaire de plaidoyer ou plus simplement un prétexte à l’échange entre acteurs urbains et acteurs de la santé publique. Chacun se réapproprie la grille selon son besoin.

 

Des perspectives encourageantes

Cette démarche, conduite jusqu’à présent par des « experts », apporte de nouveaux éclairages pour un débat sur l’urbanisme, qu’il s’agisse de nouveaux quartiers ou d’opérations de renouvellement urbain. Ce débat, ouvert potentiellement aux élus et aux citoyens, s’appuie alors sur des informations tangibles, qui illustrent le lien entre santé, bien-être et projets urbains.

Sujets réservés jusqu’alors aux seuls acteurs de santé publique, voire du social, la santé et les inégalités sociales de santé s’invitent de manière opportune dans les pratiques des différents acteurs de la ville et les légitiment en tant qu’acteurs de la santé publique, à chaque étape de conception, de définition, voire de mise en œuvre, et à toutes les échelles de territoire. Les expérimentations menées ont montré divers niveaux ou approches de la part des acteurs mobilisés. La souplesse d’utilisation de cet outil permet ainsi une large gamme d’appropriation, en fonction des degrés de sensibilisation ou d’ambition.

Ce partenariat productif est le fruit de rencontres de personnes motivées, de structures résolument tournées vers l’interdisciplinarité et d’opportunités offertes par les démarches locales de planification. Il a pu acquérir rapidement un positionnement précurseur, à l’échelle de chacun des deux domaines Santé et Urbanisme. Plusieurs communications conjointes associant l’aua/T viennent valoriser ce travail à l’échelle locale, nationale et européenne ; un rapport de recherche1 rédigé par l’IFERISS est également disponible. En pratique, l’outil est dès aujourd’hui accessible aux acteurs et territoires de projets volontaires, auprès de la plate-forme d’expertise Aapriss (Apprendre et Agir pour Réduire les Inégalités Sociales de Santé) de l’IFERISS2 . L’outil, sous licence libre3, a depuis le départ vocation à être manipulé, évoluer, se développer, au bénéfice d’une meilleure intégration des enjeux de santé et des inégalités sociales de santé en aménagement du territoire.

 

  1. Avec le soutien de l’Institut national du cancer (programme de recherche INCA-2018-026).
  2. Contact : aapriss@iferiss.org.
  3. Creative Commons BY-NC-SA.

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