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Emmanuel EVENO,
Professeur des universités en géographie,
Directeur du LISST – CIEU,
Université Toulouse II Jean Jaurès.
Il existe de nombreuses tentatives d’incarnation de la « ville intelligente ». Année après année, les palmarès font émerger un groupe assez consensuel de villes : Singapour, Barcelone, Masdar, Amsterdam, Londres, Copenhague, Montréal… Chacune occupe en fait une sorte de « niche », devant sa notoriété au fait d’avoir été la première ou parmi les premières à ouvrir une nouvelle voie, à incarner un nouveau type de « ville intelligente » et à avoir démontré (ou essayé) de faire école. Il est aussi question de « marketing urbain », de géopolitique, de stratégies industrielles, de capacité à introduire ou promouvoir des changements radicaux…
Montréal, modèle de « Ville intelligente citoyenne »
Dès les années 1990, Montréal a fait le pari des nouvelles technologies, en particulier au travers de l’industrie des jeux vidéo avec sa « Cité du Multimédia », pour dynamiser l’économie locale. Elle se distingue aussi, depuis les années 2010, comme « ville intelligente citoyenne » avec la création du Bureau de la ville intelligente et numérique. Celui-ci repose essentiellement sur la mise en place de nouveaux espaces de dialogues avec la population, sur de nouvelles formes de consultation, de concertation, de participation des habitants/citoyens.
Londres, capitale européenne des start-up ?
Avec son plan « Smart London », la capitale britannique ambitionne de devenir « the best city in the world » grâce aux innovations numériques. Elle se distingue comme l’une des capitales mondiales de la vidéosurveillance. Aussi, en 2010, a émergé la « Tech City », visant à faire de Londres une place incontournable de la technologie sur la scène mondiale, autour du quartier émergent du Silicon Roundabout. Au-delà, Londres a développé une démarche smart city qui consiste à moderniser les services publics, notamment les transports publics, en consultant la population.
Amsterdam, foyer d’initiatives numériques
Amsterdam se distingue comme « ville numérique » depuis les années 1990 avec l’expérience de Digital Stadt, plate-forme numérique destinée aux acteurs associatifs. L’initiative vient de la société civile et ce n’est que dans un second temps qu’elle a reçu l’appui de la municipalité. Aujourd’hui encore, le projet « Amsterdam Smart City » s’appuie sur une très forte mobilisation des acteurs de l’innovation, se référant en cela au modèle de la triple hélice (alliance autorités ‒ entreprises ‒ universités) étendu aux citoyens. Elle apparaît par ailleurs comme l’une des villes de pointe dans le recours aux données urbaines massives.
Copenhague, championne d’un développement écocitoyen
Copenhague incarne le versant « développement durable » de la « ville intelligente ». La ville ne met pas l’accent sur les prouesses technologiques, mais sa politique consiste plutôt à se présenter comme la « ville la plus verte ». Les start-up qui y prospèrent développent des applications fortement ancrées dans le domaine de l’« économie verte ». L’amélioration de la qualité de vie, la participation des habitants et l’engagement à devenir, dès 2015, la première métropole neutre en carbone sont ce qui caractérise la démarche de la ville en matière de smart city.
Masdar, ville « neuve »
Masdar se veut un modèle de « nouveau quartier » conçu pour figurer une nouvelle urbanité « intelligente », et cela sur un territoire « vierge ». C’est aussi un démonstrateur in vivo de performances techniques et l’on peut ainsi aller jusqu’à parler de showroom. Masdar se distingue pour avoir très fortement investi le marché de l’énergie, en développant une stratégie « zéro déchet » et en se rêvant comme la future « Silicon Valley » du secteur de l’énergie. Elle est composée d’îlots et de quartiers à haute performance énergétique et environnementale.
Barcelone ou l’ambition d’une ville qui se veut de rang mondial
Barcelone affiche depuis les années 1990 l’ambition de devenir une métropole de rang mondial en investissant les scènes politiques et médiatiques, notamment autour de l’organisation de grands événements. Elle accueille chaque année le « Congrès mondial de la téléphonie mobile » et surtout le « Smart City Expo World Congress ». Parallèlement, elle centre aujourd’hui sa démarche smart city sur l’open data et la dimension « citoyenne » de l’expérimentation. Enfin, avec le projet 22@ lancé en 2004, elle a entrepris de reconvertir un quartier ancien en test de grande ampleur de ce que pourrait ou devrait être une smart city.
Singapour, le modèle indépassé…
Depuis les années 1980, la Cité-État s’est imposée comme l’un des grands modèles de référence en matière de Techniques d’Information et de Communication : modernisation de ses administrations autour de l’informatique, développement des infrastructures sur son territoire et attraction des entreprises du secteur des technologies de l’information. Quelque vingt ans plus tard, Singapour est devenue le premier site mondial de production de disques durs et l’une des capitales de la recherche en sciences biomédicales et big data. On la considère aujourd’hui comme un laboratoire à ciel ouvert.