Téléchargez l’article au format PDF
Georges DA COSTA,
Maître de conférences, HdR, Membre de l’IRIT,
Université Toulouse III Paul Sabatier
Marie-Pierre GLEIZES,
Professeur, membre de l’IRIT,
Université Toulouse III Paul Sabatier
André PÉNINOU,
Maître de conférences, Membre de l’IRIT,
Université Toulouse II Jean Jaurès
Le projet neOCampus fait du campus Paul Sabatier un terrain d’expérimentation et un objet d’études pour la ville intelligente, durable et connectée. Les données et leur traitement constituent le socle de ce projet.
neOCampus est une opération scientifique sur l’Université Toulouse III Paul Sabatier ayant pour objectif de construire le campus du futur, connecté, intelligent, durable et innovant. Elle regroupe 11 laboratoires qui croisent leurs compétences dans des projets interdisciplinaires pour améliorer le confort au quotidien de la communauté universitaire, tout en diminuant l’empreinte écologique des bâtiments et les coûts de fonctionnement (électricité, eau…). Cet écosystème d’innovations porte sur une superficie de 124 hectares, compte 407 000 m2 de bâti et accueille 36 000 usagers avec de multiples possibilités de mobilité (bus, métro, voiture, deux-roues, piétons). Il est composé de lieux de travail mais aussi de logements, d’une crèche, d’un marché… Ce campus constitue ainsi un système complexe s’apparentant à une petite ville. Il possède de multiples dynamiques et interdépendances entre ses composants, ce qui induit l’impossibilité de prévoir toutes les conséquences d’un changement. Dans le cadre de la démarche d’innovation neOCampus, un tel système doit être instrumenté et régulé par de nombreux dispositifs disséminés dans l’espace et le temps. Ainsi, le projet neOCampus qui porte sur un terrain d’expérimentations et d’innovations in vivo (dans la vraie vie) et à grande échelle se veut évolutif et adaptatif.
Un focus sur les données
Les sources
La plate-forme associée à neOCampus consiste en de nombreux dispositifs matériels et logiciels interconnectés sur le campus. Ils allient capteurs, effecteurs, systèmes de communication, de stockage, de localisation, de simulation… Dans ce système, les données brutes exploitées proviennent à la fois des capteurs (consommation énergique, électrique, présence, CO2, luminosité…) et d’éléments de gestion de la vie étudiante (emplois du temps…). S’y ajoutent les données actuelles ou historiques que les acteurs de la recherche du campus rendent disponibles. En ce qui concerne ces données issues de projets de recherche en cours, leurs sources sont hétérogènes et géographiquement distribuées avec, par exemple, des capteurs environnementaux sur des vélos, sur des ruches… Elles sont difficiles à appréhender, car elles peuvent être très « simples » – du type « valeur de la luminosité de la salle 302 au bâtiment U4 à 7 h 05 » –, contextuelles – « le volet de la salle 110 est à demi ouvert » –, ou encore complexes à construire et à interpréter – par exemple « beaucoup de monde reste statique à l’abord du restaurant universitaire à 12 h 35 ».
L’utilisation des données
Les données sont exploitées à plusieurs niveaux par les chercheurs ou les partenaires industriels au sein des projets de recherche, dans l’objectif de proposer des innovations au niveau des infrastructures, des services… mais aussi d’aider à la maîtrise des activités du campus par les services de l’université. Plus globalement, l’enjeu est de promouvoir l’innovation en mettant à disposition des données ouvertes – open data.
Cet open data est en cours d’évolution avec deux types de systèmes qui se côtoient dans l’univers de l’Internet des objets : les systèmes ouverts et les systèmes fermés ou propriétaires, avec lesquels neOCampus doit nécessairement s’interfacer. Deux logiques doivent donc être conciliées et étudiées avec les entreprises partenaires dans neOCampus. La volonté de positionner toutes les innovations sur un même territoire vise également à décloisonner les disciplines et les défis sociétaux. L’accessibilité aux projets de données de différents domaines et leur partage constituent un enjeu pour ce décloisonnement.
Les exigences attendues
Plusieurs exigences sont à considérer. Tout d’abord, la protection et la sécurité des données. En effet, partager une masse considérable de données pose d’inévitables problèmes d’éthique, de propriété et donc de protection de ces données. Il faut ainsi garantir à la fois l’anonymisation au plus près de la source, la dissémination pour réduire les risques de piratage, l’optimisation des flux entre les lieux de production et de consommation de la donnée et, enfin, l’adaptation dynamique des réseaux de communication pour garantir robustesse et résilience.
Le stockage et l’accès des données sont aussi un point important. Ils sont organisés au plus près des sources d’utilisation majeures afin d’en fluidifier l’accès, tout en garantissant la structuration pour, d’une part, une interprétation correcte par tous, et d’autre part, la disponibilité – par duplication par exemple. Il s’agit également d’assurer la cohérence des données, de permettre l’agrégation de celles à conserver et d’éviter la surabondance de données en temps réel.
L’interopérabilité de ces données, autre élément à garantir, passe par la vérification automatique des « types » et des « grandeurs ». Il est en effet impossible d’examiner manuellement des milliers de dispositifs pour vérifier leur adéquation. Il y a par exemple des capteurs de température qui, selon leur constructeur, peuvent être configurés en Celsius ou en Fahrenheit.
L’analyse des données quant à elle doit être multiéchelle, autant du point de vue spatial (une pièce comme le campus dans son ensemble) que du point de vue temporel (la seconde comme le mois). La gestion de la luminosité d’une pièce, par exemple, dépend d’une part de la présence humaine ; elle doit, d’autre part, pouvoir être décidée sans avoir à interroger un service central et en considérant que certains capteurs émettent toutes les secondes et d’autres seulement quelques fois dans la journée. Enfin, la fiabilité des dispositifs est essentielle. Avec plusieurs milliers de dispositifs, l’apparition de pannes est relativement usuelle. Il est irréaliste de passer régulièrement devant chacun d’entre eux pour vérifier leur état. NeOCampus doit permettre leur auto-observation en temps réel, mais aussi le repérage des irrégularités afin d’assurer un fonctionnement efficace malgré celles-ci.
Placer ainsi la donnée comme ressource pour l’innovation permet d’avancer sur des propositions innovantes pour le campus, mais aussi de se confronter, pour les dépasser, aux difficultés que cela pose concrètement.
Photos © David Bécus photographe, © IRIT