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Ninon BARREAU
Chargée de projet Modes de vie et doctorante Cifre (LISST-CIEU), AUAT
Cette série de photographies est tirée d’une enquête menée par l’AUAT entre 2021 et 2022 auprès d’habitants de l’aire métropolitaine toulousaine. À travers des entretiens, des exercices de carte mentale et de la photographie, la démarche a pour ambition d’éclairer les modes de vie métropolitains par des approches qualitatives. Les photographies et extraits d’entretiens qui suivent ont été sélectionnés parce qu’ils montrent des usages, des aspirations et des réflexions que l’on pourrait qualifier d’« ordinaires » : se déplacer à vélo, fréquenter les espaces verts de proximité, vouloir vivre proche de la nature... Pourtant, c’est dans ces usages du quotidien, relevant de logiques individuelles, que des changements à l’œuvre peuvent se révéler. Des « petits riens » qui en disent pourtant beaucoup sur les évolutions des modes de vie à l’œuvre.
L’effet « colibri » des initiatives habitantes pour faire face aux enjeux climatiques et écologiques
« Ma femme aime bien jardiner, elle essaie d’organiser le jardin de manière un peu différente. C’est-à-dire qu’il y avait beaucoup plus de rosiers, et ma femme elle aime bien les plantes colorées, les couleurs, les fleurs, mais elle se disait aussi il faut repenser parce qu’il fait de plus en plus chaud, il faut donc un achat de plantes qui résistent à la sécheresse […]. La température augmente, pour garder certaines plantes ça demande beaucoup d’eau, surtout en été. Du coup, il fallait penser à ça. Ah oui, aussi, elle fait un stage de formation, quelques heures avec la mairie pour avoir le composteur […]. Donc on y met les épluchures et après, de temps en temps, on vide les fonds et on les réutilise pour le carré potager. Je pense qu’elle aimait bien l’idée d’avoir ce compost, c’est mieux de réduire les déchets. On est dans cette démarche et dans l’appartement on n’avait pas cette possibilité-là. Ici on a un peu plus de place, on s’est dit oui, il faut absolument le faire. »
Francesco, 40 ans, habitant de Saint-Cyprien, Toulouse
Travailler, se divertir, consommer à domicile : le risque de l’absence de frontières
« Le piège du travail à domicile, c’est qu’à partir du moment où on accède au travail à domicile, il n’y a potentiellement plus de limites sur les horaires. Mais c’est aussi une liberté. J’ai toujours eu l’habitude de décaler, de faire des horaires nocturnes ou d’avoir cette liberté d’aménager, et du coup à ne pas me forcer à être derrière mon écran quand je ne suis pas productif et de me dire “bon là ça marche pas, je m’arrête, je vais faire un tour, je vais faire du sport”, même si c’est en plein milieu de la journée, quitte à travailler très tard le soir ou un jour ou une semaine plus tard. »
Nicolas, 35 ans, habitant de Saint-Cyprien, Toulouse
Acheter local depuis son domicile
« En alimentaire effectivement ici on a une AMAP, il y a ici dans l’îlot tout un tas de groupements d’achats qui permettent d’avoir pas mal de choses en termes alimentaires : une AMAP légumes, une AMAP fruits, des livraisons de poulets, œufs, volaille, tout l’hiver on a des agrumes qui viennent de Sicile ou d’Espagne, il y a du fromage de chèvre qui vient du Tarn, et une voisine qui agrège tout un tas de bons plans, qui ne sont pas forcément des AMAP, mais un peu au coup par coup, il peut y avoir du veau, des noix… »
Lucie, 37 ans, habitante de la Cartoucherie, Toulouse
« Faire les courses, pff… et faire les courses avec deux enfants, même pas en rêve ! Pour moi c’est un cauchemar. C’est vrai que la solution des courses en ligne est ce qu’on préfère parce qu’on le fait le soir. Les enfants sont couchés, on commande et après on se fait livrer à un moment où on est disponible ou on les récupère dans le cas du Chronodrive. […] Sinon, j’ai trouvé un truc qui s’appelle le Comptoir d’Anselme où on commande en ligne, mais c’est des productions locales. […] Moi j’aime bien consommer au maximum local et encore plus bio, et mon cœur balance à chaque fois entre les deux. »
Agnès, 36 ans, habitante de Saint-Cyprien, Toulouse
Moins de voitures et plus de modes actifs : des revendications portées par les habitants
« On a ici, dans le hall, un local. C’était une volonté dans notre programme que l’accès vélo soit facile, pratique, donc pour tous nos vélos du quotidien ils sont rangés […]. Il faut que la voiture soit plus compliquée à utiliser que les autres modes de transport. Notre immeuble, on s’est battus avec Oppidea pour ne pas avoir de places de stationnement en sous-sol parce que ça coûte excessivement cher, et on a dit “les places affectées à notre immeuble, mettez-les en silo et donnez-nous-en moins que ce qui est nécessaire d’habitude parce qu’on est très peu motorisés”. Oppidea n’a pas souhaité, ils ont accepté qu’on en ait moins, donc on a 10 places de parking pour 17 logements. Par contre ils nous imposé qu’on les ait en sous-sol. Donc on a quand même des places de parking en sous-sol, mais on en a moins que ce qu’on aurait dû avoir normalement. Donc on a dix places de parking, on est 17 logements, et on en a 8 qui sont utilisées. On en a deux du coup qui sont vides, une qu’on sous-loue à des gens qui travaillent dans le quartier et qui du coup l’utilisent en journée, et une qu’on a en plus qui est collective et qui nous permet, quand on accueille des amis ou de la famille, de pouvoir leur permettre de se garer. »
Lucie, 37 ans, habitante de la Cartoucherie, Toulouse
Apprécier de moins apprivoiser la nature
« Le jardin du Barry, ça c’est vraiment un poumon du quartier. Ce que j’aime bien avec ce jardin-là c’est qu’il est assez sauvage, ça pousse quoi, et du coup ça j’aime bien. Ce qui est bien aussi c’est qu’ils coupent pas l’herbe très souvent, je pense qu’ils coupent deux fois par an. Il y a des parties plus vertes ici, ou il y a les prairies qui sont coupées plus fréquemment parce que les gens les utilisent pour faire des pique-niques etc. Du coup ça c’est bien, mais il y a quand même une grosse partie du parc où l’herbe est coupée que deux fois par an. »
Anton, 33 ans, habitant de la Cartoucherie, Toulouse
Privilégier la sociabilité et la vie commerciale : des conditions essentielles pour une vie de quartier
« Quand on a commencé à râler en disant qu’on voulait pas de tours de bureaux, ça disait “mais qu’est-ce que c’est ces bobos, ils veulent pas de tours, ils avaient pas qu’à s’installer là !”. Alors que ça n’était pas le sujet : la densité d’accord, mais pas n’importe comment. Mais on s’est rendu compte qu’il y avait quand même pas mal de gens qui avaient choisi d’habiter ici, et qui étaient attachés au quartier, et qui avaient l’envie de faire plein de choses. Donc il y a quand même une vie de quartier qui se construit, mais pour qu’elle se construise, il faut qu’il y ait des temps d’échanges, des lieux de rencontres. »
Lucie, 37 ans, habitante de la Cartoucherie, Toulouse.
« Ça commence à vivre. Là, par exemple, je viens de croiser deux personnes que je connais […] quelqu’un que je vois à la salle de muscu. Donc, c’est ça qui est sympa, petit à petit on commence à avoir ses repères, ça évolue, c’est pas figé. »
Léa, 25 ans, habitante de la Cartoucherie, Toulouse.
« J’avoue que quand on a déménagé ici, c’était un chantier… Il y avait des petites choses : une pharmacie, le SPAR en face, la boulangerie et les petits restaurateurs à côté. Mais après on savait que c’était un quartier en construction et c’était déjà planifié d’avoir une place centrale avec beaucoup de commerces, de services, de choses comme ça. On a regardé le plan de masse du quartier, ce qui était prévu, et ils s’y tiennent à peu près : donc ça c’est bien. »
Anton, 33 ans, habitant de la Cartoucherie, Toulouse.
En quête de sociabilités et de nature : élire domicile dans une petite ville
« Depuis toute petite, je me disais “le Gers, on y mange bien, c’est beau, il y a de belles maisons…”. C’est tous les clichés du Gers qui m’attiraient et puis voilà. Et puis là on était pas loin de L’Isle-Jourdain, et quand on venait ici on trouvait que c’était joli, pas trop gros, c’est une ville sans être trop grosse, ça nous correspondait bien […]. C’est exactement ce qu’on s’est dit quand on est partis, “il nous faudrait quelque chose où à la fois on puisse voir des gens et à la fois on puisse s’isoler, être à la campagne […]”. Ici c’est vraiment parfait, parce qu’à la fois on est très proches du centre-ville et à la fois on traverse la rue, il y a un centre équestre là et on est tout de suite dans la campagne, on est dans les champs. »
Nadège, 34 ans, habitante de L’Isle-Jourdain.